
Il a une patience et une endurance hors du commun. Il en a fallu pour supporter dix-sept années de prison - dont une dans le noir absolu, ligoté, allongé sur le sol, coupé de tout contact - sans devenir fou.Sur sa jeunesse volée, Driss Benzekri ne s'étend pas. "On sent que la blessure est toujours là, mais ce n'est pas quelque chose qui nous pourrit de l'intérieur. On tente de dépasser cela, de ne pas en rester au stade de l'amertume", dit-il simplement. "On" pour ne pas dire "je" et pour rappeler aussi qu'ils sont des milliers à avoir subi le même sort sous Hassan II, le père de l'actuel souverain marocain, Mohammed VI.Driss Benzekri est impénétrable. S'il s'exprime volontiers, il se confie peu. Sa parfaite maîtrise de lui-même cache mal une grande sensibilité. Ce militant d'extrême gauche reconverti dans la défense des droits de l'homme avait 24 ans quand il est entré en prison, en 1974, 41 ans quand il en est sorti, en 1991. Son tort ? Avoir dirigé une organisation marxiste-léniniste, Ilal Amam.Opposant hier, partenaire aujourd'hui... Parce qu'il a accepté, en novembre 2003, de présider l'Instance équité et réconciliation (IER), un organisme chargé par le roi de faire la lumière sur les graves violations des droits de l'homme perpétrées entre 1960 et 1999, Driss Benzekri n'en finit pas de susciter la polémique au Maroc. Pour les uns, il a été "récupéré par le "makhzen"" (pouvoir monarchique). Pour les autres, il est au contraire "un visionnaire" qui a raison de parier sur Mohammed VI et sa volonté de démocratiser le Maroc.Après avoir instruit plus de 16 000 dossiers - dont presque 10 000 devraient aboutir à des indemnisations -, l'IER a achevé son mandat en novembre. Dans son rapport final, l'Instance recommande une révision de la Constitution, pour assurer la séparation des pouvoirs, en particulier l'indépendance de la justice. Elle demande par ailleurs à l'Etat de présenter ses excuses aux victimes des "années de plomb". Le pouvoir donnera-t-il une suite à ces recommandations ? Benzekri s'en dit persuadé. Ses détracteurs, eux, sont sceptiques.
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